ENTRER DANS LE SIECLE

Note d'intention



Entrer dans le siècle c’est un monologue tragi-comique sous forme de témoignage, celui d’une religieuse bruxelloise bilingue qui, un jour de juin 2001, après un plongeon à la piscine, décide de quitter son couvent, en même temps que les onze soeurs de sa communauté ; c’est un faux témoignage car la vie de cette nonne relève de la fiction ; mais cette fiction rejoint la réalité à travers un fait historique qui la croise en un point du temps : le procès de sœur Gertrude et sœur Maria Kisito, deux bénédictines rwandaises génocidaires jugées à Bruxelles en juin 2001. Ce petit monologue de théâtre n’est donc pas étranger à la grande histoire du monde.

Zuster Becky. On m’appelait zuster Becky. 
Mais je m'appelle Ria Lacht. Je suis flamande : 
« Lacht » : « rit » en français. 
Dans votre langue, je m'appellerais donc « Ria Rit » ! 
Le 19 juin 2001, j’ai quitté mon couvent, je suis « entrée dans le siècle ». 
C'est une expression : siècle, ça veut dire « le monde extérieur », 
et cette entrée tombait pile avec le nouveau siècle, le XXIe. 
Tant mieux, je n’aurais pas voulu entrer dans le XXe, 
avec toutes ses horreurs Godverdomme – sorry … 
Quoique les horreurs, ça n’est pas fini.

Entrer dans le siècle c’est un récit de vie et une allégorie, une digression philosophique sous la légèreté du banal, une quête existentielle entre rage et rire, ancrée ici et maintenant, racontée en français avec un accent flamand; c’est une histoire linéaire qui mélange les codes de narration, un spectacle de texte avec du mouvement, de l’image et du son, qui ne travaille pas avec le peu mais avec le plein - de sens, de sensations, à la recherche d’une forme sans artifices mais volontairement hors genres, hors cadre, pour répondre à ce qui est l’enjeu même du sujet : remettre en jeu ses clôtures intérieures, pour être enfin acteur de son destin.

sans influence, sans dépendance, 
ni horizontal ni vertical, 
ni infini ni zéro, 
no left no right, 
ni maître ni…

Entrer dans le siècle c’est un exercice de transmission de pensée, le partage d’une expérience et l’éveil d’une conscience, une tentative de comprendre l’élan de la croyance, le besoin de certitudes, le désir d’absolu, la tentation du repli, du renoncement à soi au nom d’un idéal, fût-il le plus louable ; c’est un plaidoyer pour l’identité, la liberté de pensée, l’autonomie du choix, la confiance devant l’inconnu, l’adhésion au réel d’aujourd’hui, l’envie d’exister malgré la finitude.

« La vérité n’est pas le certain 
et l’incertain n’est pas l’ignorance » 
(Ilya Prigogine)