La voix du chanteur italien au XVIIe siècle 
De la prescription à la perception


Jean-François Lattarico 
Université de Lyon 3 Jean Moulin



 La question de la voix du chanteur au XVIIe siècle peut être appréhendée à partir des nombreux traités, manuscrits ou édités, qui représentent la conséquence des recherches et des expérimentations de la Camerata Bardi florentine à la toute fin du XVIe siècle. L’on sait en effet que l’objectif était de retrouver les conditions de représentation de l’ancienne tragédie grecque supposée en partie ou intégralement chantée. Le résultat le plus spectaculaire de ces recherches à la fois musicales, poétiques et philosophiques, est la reconnaissance de la supériorité de la « modulazione », c’est-à-dire de la monodie, sur l’ « armonia », c’est-à-dire sur la polyphonie. Il s’agit, en d’autres termes, de rendre désormais possible une parfaite intelligibilité du texte poétique, entravée jusque là par les complexes architectures sonores du discours polyphonique. Ces considérations, que l’on trouve notamment formulées par Giulio Caccini dans la préface de son recueil des Nuove musiche[1], aboutissent à une situation paradoxale : la modernité revendiquée de ce nouvel art du chant est en même temps étroitement liée aux conceptions théâtrales des Anciens dont la plupart des protagonistes florentins reprennent le vocabulaire technique. C’est en tout cas bien le texte poétique, réhabilité dans sa précellence, qui est le seul véritable réceptacle des adfectus, comme le signale également Giovan Battista Doni dans un traité consacré aux différents genres musicaux : s’il reconnaît le « diletto » que procure un concert de voix, plus sonore et plus varié, « la perfection de la musique consiste dans la grâce et la beauté du chant, et à faire entendre tous les sentiments du poète, sans que les mots se perdent [] car la finalité de la musique n’est pas le plaisir (diletto), mais le mouvement des passions (commotione degli Affetti) »[2], c’est-à-dire à proprement parler l’émotion. La musique, la gestuelle et tous les agréments (décors, éclairage, position des musiciens) qui gravitent autour des premières représentations dramatiques intégralement chantées, ne font qu’accompagner en effet une parole porteuse de toute la gamme des émotions ; ils la servent et lui sont donc entièrement subordonnée. Cela signifie que la voix du chanteur[3], du moins dans le premier tiers du XVIIe siècle, se confond avec la déclamation pathétique ayant une valeur d’épiphanie, à l’exclusion de toute forme de virtuosité gratuite qui fera, au contraire, la fortune des chanteurs « starifiés » de la fin du siècle.

Pour tenter d’approcher au plus près les caractéristiques vocales du chanteur italien du Seicento, nous aborderons trois traités de dramaturgie musicale qui illustrent assez bien l’évolution de ce genre moderne, depuis la fable pastorale florentine des années 1620, jusqu’au dramma per musica vénitien dominant désormais toute la péninsule dans les dernières décennies du XVIIe. Dans Il Corago, ovvero alcune osservazioni per metter bene in scena le composizioni drammatiche, un traité anonyme demeuré inédit jusqu’au XXe siècle[4], l’auteur – probablement Pierfrancesco Rinuccini, fils du poète Ottavio[5] – décrit en effet, sur le mode prescriptif, toutes les modalités de représentation du drame musical : ses observations portent sur la construction de la salle, les décors, la machinerie, l’éclairage, la disposition des musiciens, les rapports entre le poète et le compositeur, la durée d’un opéra (entre trois et cinq heures) et surtout, sur la manière de chanter une poésie dramatique représentée sur scène et tout entière accompagnée de musique. L’auteur insiste tout d’abord sur la nécessité irréfragable de la monodie déclamée, seule apte à assurer l’intelligibilité du texte poétique eu égard aux dérives d’un chant polyphonique fondé sur l’idiosyncrasie de l’interprète :

Or il ne fait point de doute qu’une personne seule qui chante fait mieux entendre les paroles aux auditeurs que plusieurs personnes chantant ensemble, car la musique à plusieurs voix est composée de telle sorte que tous les chanteurs prononcent ensemble les mêmes syllabes (chose qui à la longue ôte à l’harmonie sa grâce en suscitant langueur et ennui), néanmoins la prononciation de la même syllabe est différente selon les individus : la voyelle a sera prononcée par untel plus ouvertement en se rapprochant du o, par un autre de manière plus serrée en se rapprochant du u, si bien que de la diversité de cette voyelle prononcée par cinq ou six personnes à la fois naîtra une confusion telle que l’on ne saura si l’on prononce le a, le o ou bien le u, et l’on entendra d’autant moins sûrement les paroles tout entières.[6]

Il insiste ensuite, dans le chapitre consacré aux différentes manières de « mettre en musique les actions dramatiques », sur l’importance de la gravitas, de la lenteur de la déclamation, garante d’une parfaite élocution[7]. Ce point de vue est justifié par des considérations logiques liées à la spécificité même du recitar cantando et à la question de la réception du texte déclamé : si l’acteur, qui est dans une posture d’artifice, doit déclamer lentement son texte pour signifier à la fois la maîtrise du discours et en assurer la perception auprès de l’auditoire, a fortiori le chanteur – tout autant acteur au XVIIe siècle[8] –, qui superpose deux types de discours, l’un musical, l’autre théâtral, devra renforcer le caractère solennel de sa déclamation dont l’intelligibilité risque d’être entravée par la juxtaposition même de ces deux langages. La conséquence directe et logique de ces observations est que pour pouvoir bien chanter, il faut savoir bien déclamer[9], et la déclamation repose, au théâtre comme à l’opéra, sur une forte concentration d’énergie appliquée aux éléments pathétiquement signifiants du discours. C’est précisément cette concentration énergétique de la déclamation chantée – et, nous le verrons, sa composante éminemment rhétorique – qui confère au style vocal du XVIIe siècle son caractère artificiel. La précellence de la déclamation musicale suppose la maîtrise absolue du texte, mais implique aussi la primauté du poète sur le musicien, et conséquemment le rejet des trilles, des passaggi et autres gorgheggi qui flattent l’oreille au détriment d’une représentation efficace, c’est-à-dire rhétorique et pathétique, des affetti. L’aria, qui ne deviendra que dans la seconde moitié du XVIIe siècle la forme musicale dominante à l’opéra, est dans le premier tiers du Seicento, un élément tout à fait secondaire de la déclamation musicale : elle est d’abord placée hiérarchiquement à la seconde place dans les différentes manières d’appréhender musicalement la parole poétique[10], car elle présente l’inconvénient de ne pas être toujours conforme à la représentation des affetti, en raison d’une non parfaite adéquation entre la ligne mélodique – par définition portée à une forme d’autonomisation – et les mots qu’elle « habille ». Entre un soutien minimaliste du musicien à une parole proche de la déclamation parlée et la prééminence arbitraire de la musique des arie, la seule manière authentique d’envisager la « musica recitativa » est celle qui accorde à la parole un poids non seulement prioritaire, mais absolu : la variété prosodique, la charge pathétique qu’elle induit, suscitent le « diletto » et repoussent en conséquence le risque de monotonie, le « tedio » provoqué à la fois par un accompagnement musical monocorde et par une ligne mélodique riche et variée, mais détachée potentiellement du sens des mots, porteurs de la gamme la plus complète des passions.

Dans la conception florentine du « recitar cantando », qui n’a conflué qu’accidentellement dans la pastorale musicale[11], le chant, et partant la voix du chanteur, est associé à la « meraviglia », à la stupeur[12] d’un processus jusque là inouï qui consiste, comme l’a suggéré Peri dans la préface de son Euridice, à « parler en chantant »[13], mais aussi à transformer la tragédie, avec sa cohorte de larmes, d’horreurs et de soupirs, en un objet nouveau véhiculant la grâce, la douceur et le plaisir (« dolce diletto »), présentant au spectateur, nous dit le personnage allégorique de la Tragédie dans le prologue de l’Euridice, un « aspect serein ». Dans la préface de la Dafne, véritable synthèse des conceptions florentines de ce nouvel art du chant, le compositeur Marco da Gagliano reprend la terminologie indiquant à la fois le caractère novateur de ce type de spectacle et l’effet du chant, c’est-à-dire de la voix, sur les spectateurs : « Le plaisir et la stupeur que ce nouveau spectacle fit naître dans les esprits des auditeurs ne peuvent être exprimés : il suffit de dire que les nombreuses fois où la pièce a été jouée, elle a suscité la même admiration et le même plaisir »[14]. La voix devient le lieu privilégié où la parole prend naissance et s’incarne, en s’appuyant sur le corps tout entier (par le souffle maîtrisé, la gestuelle toujours signifiante, le regard expressif, etc.) devenu à son tour objet précieux d’éloquence. Mais ce processus, qui va caractériser pendant plus d’un demi-siècle le chant italien, repose en réalité sur un double paradoxe : ce qui est présenté comme une révolution (« cosa mai udita ») revendique, nous venons de le voir, une filiation avec le théâtre des Anciens[15] ; par ailleurs, la « révolution » que constitue le « recitar cantando » se définit en fait par une sorte d’imitation du parler naturel[16]. La musique accompagnant la parole poétique reproduit les modulations du « recitar comune », adhère au plus près à la prosodie d’une parole certes poétique, mais restituée « comme si les vers semblaient réduits à de la prose »[17], nous dit encore l’auteur du Corago, afin de privilégier une fois de plus le sens, véhicule des affetti.

Cette insistance particulière sur la précision dans la déclamation, la clarté de l’élocution revient très souvent aussi bien dans les traités prescriptifs rédigés tout au long du siècle que dans les nombreux témoignages sur les grandes figures vocales, y compris lorsque l’opéra s’ouvre au public et cesse d’être un spectacle exclusivement aristocratique. La forme intermédiaire que constitue d’une certaine façon l’école romaine, qui tout en restant un genre élitiste s’ouvre au mélange des registres, respecte la même exigence, comme en témoigne notamment le voyageur français Jean-Jacques Bouchard qui laissa un compte-rendu précieux du carnaval romain de 1632 durant lequel il assista à la représentation du Sant’Alessio de Giulio Rospigliosi et Stefano Landi. Dans cet opéra, « Toute la representation fut recité en musique avec ces stili recitativi qu’ils usent en Italie, et l’on oyait toutes les parolles aussi distinctement que s’ils n’eussent fait que parler »[18]. Et à partir de 1637, les premiers opéras populaires vénitiens, s’ils représentent une véritable révolution dans le système de production d’un genre devenu désormais un négoce[19], une entreprise à proprement parler, n’en gardent pas moins une certaine filiation avec l’esthétique florentine, dans le choix des sujets mythologiques (ils reviendront en force dans la production du Teatro Novissimo entre 1641 et 1645[20]), dans l’usage des machines et dans la prédominance encore forte du recitar cantando. Précisément, le lien le plus étroit entre le nouveau contexte musical vénitien et la dimension néo-platonicienne des conceptions florentines d’une musica rhetoricans est assuré par la libertine académie des Incogniti[21], dont de nombreux dramaturges per musica firent partie (Giulio Strozzi, Giovan Francesco Busenello, Giovanni Battista Fusconi ou encore Scipione Errico). Les drames mythologiques du Novissimo représentés sous son égide, n’hésitent cependant pas à mêler les différents registres, selon une esthétique – inspirée de l’école romaine – que l’on peut d’ores et déjà qualifiée de vénitienne. Parallèlement aux représentations qui ont lieu dans les salles plus modestes, comme le San Cassiano ou le San Giovanni e Paolo, cette typologie des voix plus diversifiée (aux personnages nobles répondent les figures allégoriques ou divines, ainsi que les vieilles nourrices nymphomanes héritées de la comédie érudite de la Renaissance), offre ainsi au public un éventail vocal jusque là absent des pastorales musicales, rétives à introduire toute dimension comique[22]. Ces représentations trouvent un écho dans les débats académiques[23] dans lesquels la musique et la voix du chanteur qui l’incarne, réactualisent l’idée néo-platonicienne de l’harmonia mundi. Dans les Bizzarrie academiche de Giovan Francesco Loredano, fondateur des Incogniti, plusieurs discours sont consacrés à la place de la musique dans la représentation des affetti, et plus globalement à celle qu’elle occupe dans une institution non scientifique, essentiellement littéraire mais dans laquelle la voix, depuis le célèbre traité de Stefano Guazzo[24] sur la conversation, occupe une place prééminente[25]. Dans un discours[26] portant sur les mérites respectifs des larmes et du chant et leurs capacités à rendre amoureux, Loredano conclut, dans une rhétorique persuasion, sur la précellence du second. Le chant, écrit-il, est un mélange « de voix et d’esprit, presqu’une âme de l’âme elle-même », et « ravit les cœurs, tyrannise les âmes, et montre les hommes, en extase amoureuse, emparadisés, pour ainsi dire, de joie »[27]. Cette dimension néo-platonicienne d’une musique aux pouvoirs surnaturels, reflet du monde supra céleste, explique aussi en partie, par analogie, que ce soit les voix les plus aiguës, de soprano ou de castrat, qui soient les plus prisées, même si cette hauteur vocale doit être tempérée en quelque sorte par un diapason plus bas (variable par ailleurs d’une région à l’autre), et par un usage très modéré de la virtuosité, puisque dans ces débats académiques, l’éloge de la musique – qui, rappelons-le, n’existe pas encore comme langage autonome – se fait toujours dans un contexte poétique[28].

L’importance de la musique dans la vie et l’œuvre des académiciens Incogniti trouve un prolongement significatif dans l’activité d’une autre académie – celle-ci exclusivement musicale – à laquelle participèrent précisément de nombreux membres de l’institution de Loredano, à commencer par Loredano lui-même, ou encore Pallavicino, Vendramin ou Busenello. L’académie des Unisoni fut en effet fondée, en 1638, par le poète Giulio Strozzi et placée sous l’égide de sa fille adoptive Barbara, musicienne, compositrice et chanteuse[29], qui agrémenta – selon un idéal et une pratique en vigueur à la Renaissance[30] – les débats littéraires, musicaux et philosophiques de leurs membres. Les discours furent consignés dans un opuscule rare[31] conservé à la bibliothèque Marciana de Venise, qui témoigne de l’interdépendance de la voix rhétorique et de la voix chantée, dans un balancement et un équilibre qui disent surtout la fascination de la parole incarnée à travers la posture éminemment théâtrale de l’orator. C’est par le chant, et la voix de Barbara Strozzi, que le thème des discours académiques est introduit, c’est dans un contexte musical et poétique que les débats ont lieu, et le passage de la voix chantée à la voix déclamée semble non pas marquer un changement radical de registre, mais souligner plutôt celui d’un degré d’intensité, sans entamer le moins du monde la double finalité d’une efficacité persuasive et d’un agrément suscité par les ornements qui confèrent au discours, aussi bien déclamé que musical, ce que Cicéron appelle sa venustas.[32]

Dans la tradition des éloges académiques, fut publié en 1644 un opuscule intégralement consacré à l’une des premières « divas » de la scène lyrique vénitienne[33] : Anna Renzi. Le glorie della Signora Anna Renzi Romana, qui consacre le talent d’une chanteuse formée, comme la plupart des femmes, dans un contexte privé, contient une vingtaine de poèmes écrits par les compositeurs et dramaturges pour lesquels elle se produisit (elle fut ainsi une mémorable Déidamie dans la Finta pazza, ou encore une Ottavia bouleversante dans l’Incoronazione di Poppea). Le recueil fut supervisé de nouveau par le poète Giulio Strozzi – auteur de la Finta pazza – qui rédigea, en guise de préambule à la série des sonnets, un éloge de la chanteuse. Si l’exercice sacrifie au discours encomiastique particulièrement convenu, (d’autres écrits dithyrambiques louant la voix des grandes chanteuses de l’époque[34] sont également publiés tout au long du XVIIe siècle), il est possible toutefois d’extraire quelques vérités intéressantes sur les caractéristiques vocales de l’interprète, en regard de ce que l’on a pu constater à la lecture des traités. Ainsi, tout en soulignant sa présence sur scène, le poète révèle qu’ « elle ne prononçait aucune syllabe qui ne charmât l’ouïe, qu’elle ne déclamât aucune plainte qui ne s’accompagnât de larmes »[35], et surtout, relevant la vigueur de l’expressivité de la chanteuse, le poète en vient plus précisément à caractériser sa voix : « Elle a la langue déliée, une prononciation suave, sans affectation, sans précipitation, une voix pleine, sonore, qui n’est ni âpre ni rauque, qui n’offense point les oreilles par une subtilité excessive »[36]. Quelques lignes auparavant, on trouvait une intéressante réactualisation de la notion de « sprezzatura » théorisée par Castiglione[37], artifice donnant l’impression d’un naturel confondant, confirmant ainsi la filiation avec une certaine esthétique renaissante évoquée plus haut : « Notre Chère Anna est dotée d’une expression si vive que les répliques et les discours semblent non pas avoir été appris, mais naître à l’instant même »[38]. Le paradigme rhétorique est encore bien présent sous la plume de Strozzi lorsqu’il définit les trois principales qualités de l’interprète : l’intelligence, l’imagination et la mémoire[39], qualités d’égale importance qui rappellent de manière synthétique la part de logos et de pathos, la part d’improvisation et l’importance de la mémoire chez l’orateur accompli.

Les exemples sont nombreux de ces références à l’éloquence constitutive de la voix musicale[40]. Dans sa Response faite à un curieux sur le sentiment de la musique d’Italie, Maugars décrivait à son tour la voix de l’autre « diva » du Seicento, Leonora Baroni :

Je me contenteray seulement de vous dire, qu’elle est douée d’un bel esprit, qu’elle a le jugement fort bon, pour discerner la mauvaise d’avec la bonne Musique ; qu’elle l’entend parfaitement bien, voire mesme qu’elle y compose : ce qui fait qu’elle possède absolument ce qu’elle chante, et qu’elle prononce et exprime parfaitement bien le sens des paroles. [] Elle chante avec une pudeur asseurée, avec une généreuse modestie, et avec une douce gravité. Sa voix est d’une haute estendüe, juste, sonore, harmonieuse, l’adoucissant et la renforçant sans peine et sans faire aucunes grimaces.[41]

Dans les préfaces et autres adresses au lecteur de plusieurs drammi per musica vénitiens[42], les auteurs ne cessent de souligner l’importance de la voix – élément de l’actio dans la rhétorique des anciens – dans la restitution fidèle des affetti. L’incarnation d’une parole faite chair, dans sa matérialité sonore et physique, est, on le sait, ce qui définit fondamentalement l’esthétique baroque de la déclamation, au théâtre comme à l’opéra. Si l’évolution du genre a abouti, dans la seconde moitié du siècle, à un accroissement des formes closes, au détriment des récitatifs de plus en plus réduits, certains témoignages de voyageurs étrangers montrent malgré tout la persistance de cette attention particulière à l’élocution et partant à la parfaite intelligibilité du texte poétique, ce dernier fût-il d’une qualité moindre que celui des premiers drames musicaux.

Dans La ville et la république de Venise, publié en 1680, témoignage précieux d’un voyage accompli entre 1672 et 1674, le français Alexandre Toussaint de Limojon consacre un chapitre aux opéras dans lequel plane constamment la comparaison entre la musique française et italienne – dans l’esprit d’un Maugars[43], d’un Raguenet[44] ou d’un Lecerf de La Viéville[45] – cette dernière péchant par un certain nombre de défauts liés à la médiocrité des textes dramatiques, l’invraisemblance des intrigues, la mauvaise qualité des danses, des machines et de l’éclairage. Mais le voyageur y fait l’éloge de la beauté des voix « argentines » des « hommes sans barbe » et des chanteuses recrutées parmi les meilleures d’Italie. Toutefois, une remarque bien plus intéressante sur la manière dont les voix déclament le texte poétique attire l’attention et donne matière à réviser le jugement sur la comparaison des deux esthétiques tournant généralement à l’avantage de la française : « Si les François ont d’abord de la peine à bien entendre les paroles, les Italiens, & tous les Etrangers en ont encore davantage en France, où l’on chante plus bas, & où l’on prononce beaucoup moins distinctement »[46]. Quelques années plus tard, un autre français, Maximilien Misson publie son Voyage d’Italie dans lequel le jugement négatif sur le chant italien témoigne de l’évolution d’un genre qui s’est surtout éloigné des pratiques vocales françaises restées fidèles à l’esthétique lullyste du récit, fondée sur une plus grande adhérence de l’habillage musical à la prosodie de la parole poétique. La question de la vraisemblance, au cœur de la poétique française du théâtre, explique en partie, par exemple, le violent rejet des voix de castrats[47]. Mais on constate surtout que la gravitas et la lenteur, jadis considérées comme une qualité suprême de la déclamation, ont cédé la place à la virtuosité et à un débit plus rapide du chant, défaut qui sera pris en compte dans la réforme que les académiciens romains de l’Arcadia s’apprêtent à mettre en œuvre :

N’exalter pas la musique Italienne, ou dire du moins quelque chose qui la choque, c’est risquer beaucoup. Je la laisse donc là en général ; & j’avoiieray mesme tant qu’on voudra, qu’ils ont de fort beaux airs, & qu’on rencontre aussi quelques belles voix parmi eux. La Vicentine des Hospitalettes, par exemple, est une petite créature qui enchante ; Mais je ne puis m’empescher de dire, que je trouve je ne sçay quoy d’embarassé & de désagréable en divers endroits de leurs chanteries de l’Opéra. Ils sont quelquefois plus long-temps sur un seul fredon, qu’à chanter quatre lignes entières : Et souvent ils vont si viste, qu’il est difficile de dire s’ils chantent ou s’ils parlent, ou s’ils ne font ni l’un ni l’autre & tous les deux ensemble. Chacun à son goust : pour moy j’avoue qu’entr’autres choses, leurs roulemens outrez ne sont pas au mien, quoy qu’il y ait beaucoup de travail à y parvenir, & que ce soit un endroit merveilleux, pour les oreilles de ce pais. [] Il y a encore une chose dont ils sont charmez, & que je croy qui ne vous plairait guerres. Je veux parler de ces malheureux hommes qui se sont faits mutiler comme des lâches, afin d’avoir la voix plus belle. La sotte figure à mon avis, qu’un pareil estropié, qui vient tantost faire le Rodomont, & tantost le passionné pour les Dames, avec sa voix de fillette, & son menton flestri : cela est-il supportable ? Il est impossible que des gens bastis comme ceux-là ayent le feu qui est nécessaire pour la beauté de l’action, & aussi n’y a-t-il rien de plus froid & de plus languissant, que la manière dont ils débitent leur marchandise.[48]

Au-delà de la polémique, tout autant musicale que linguistique, qui voit s’affronter les partisans de la musique française et de la musique italienne (dans les deux camps certains récusant même la légitimité d’une mise en musique de la langue dans un contexte exclusivement théâtral[49]), il faut voir dans ce témoignage le reflet d’un glissement achevé du recitar cantando, triomphant à Florence et à Venise dans la première moitié du Seicento, déclinant à partir des années 1670, lorsque les arias et les ariette se multiplient, remplacé désormais à la fin du siècle par un cantar recitando qui a, semble-t-il, ravi à la parole poétique son absolue primauté.

En 1691, le poète et théoricien Giuseppe Gaetano Salvadori publie à Naples[50] un important traité de dramaturgie musicale, La poetica toscana all’uso, dans lequel il rend compte des nouvelles exigences du public de plus en plus désireux d’arias virtuoses et réfractaire au « tedio », à l’ennui suscité par un usage jusqu’alors excessif des récitatifs qui se bornent à faire avancer l’action, mais sont désormais dépourvus de tout charme musical. Le traité, le seul au XVIIe siècle, avec celui de Perrucci, consacré au théâtre chanté après l’avènement de l’opéra public vénitien, se présente tout d’abord comme un manuel classique de versification. Salvadori tient compte de l’usage de plus en plus fréquent depuis le début du siècle de la poésie toscane – la plus répandue dans ce domaine – dans un contexte musical. Ce faisant, il ne fait que renouer avec un débat, initié par le Tasse et poursuivi par les poètes baroques comme Marino[51], portant sur la dimension éminemment musicale du langage poétique. Toutes les formes poétiques y sont d’ailleurs évoquées : drames, cantates, sérénades, oratorios. L’opéra y occupe les chapitres cinq et six de la seconde partie du traité. L’auteur y consacre désormais la nette séparation entre les récitatifs et l’aria comme éléments structurants du drame musical qu’il analyse dans leur rapport singulier à la musique. Les airs y sont précisément présentés comme « plus agréables au peuple », tandis que dans « n’importe quelle poésie destinée à la musique, le récitatif doit être bref, afin que les spectateurs puissent écouter les ariettes qu’ils désirent tant ». Mais une fois de plus, on assiste à une sorte de bouleversement du rapport jusqu’alors subalterne qui liait la musique à la parole poétique. L’exigence de clarté, l’absence d’afféterie, théorisées et pratiquées par les Florentins pour rendre plus expressive l’incarnation vocale des affetti, sont chez Salvadori davantage liées à l’importance plus grande prise par la musique qui ne doit pas être entravée par une langue maniérée, minée par des figures analogiques en trop grand nombre. On voit comment une même exigence eu égard à la langue poétique, au début et à la fin du siècle, aboutit à des résultats formels diamétralement opposés. Car le traité de Salvadori, s’il se fait l’écho d’une évolution certaine du genre opératique, impose à son tour un certain nombre de règles et de prescriptions. Comme l’avait fait en son temps l’auteur anonyme du Corago, Salvadori statue sur la longueur idéale de la pièce, qui doit être selon lui extrêmement brève : trois actes, douze scènes par acte, au moins une aria conclusive par scène qui devra limiter le nombre de vers pour les récitatifs – qu’il faut fuir comme la peste, écrit-il[52] – et permettre ainsi à l’interprète de briller face à un public de plus en plus avide de sensations fortes. On voit par ce dispositif beaucoup plus codifié et régenté, comment la voix du chanteur italien est sollicitée dans un sens plus spectaculaire, par l’attente désormais convenue d’une bravoure vocale qui précède sa sortie de scène, là où les opéras vénitiens du milieu du siècle tablaient davantage sur une plus grande instabilité formelle, non seulement dans la disposition des différentes formes poétiques, mais aussi et surtout dans leur traitement musical spécifique (les arias poétiques pouvaient être traitées, par le compositeur, en mode récitatif et inversement certains vers récitatifs donner lieu à une autonomisation mélodique).

Sur le plan des différentes caractérisations vocales, Salvadori ne fait que synthétiser et coucher sur le papier ce que révélaient les drames musicaux eux-mêmes : ainsi, les figures allégoriques éthérées ou les jeunes femmes seront interprétées par des sopranos ou des contraltos, les personnages de vieilles, notamment les nourrices – parangon du personnage comique vénitien – par des ténors, et les tyrans ou les rois par des basses. Mais au-delà de cette varietas, qui reste un élément essentiel de l’esthétique vénitienne du dramma per musica, y compris à la fin du siècle, l’évolution la plus importante par rapport aux prescriptions et aux pratiques vocales de la première moitié du Seicento, concerne la place désormais prépondérante des formes closes (arias, ariettes, ariosos), impérativement présentes dans toutes les scènes du drame, sans aucune considération particulière pour les questions de vraisemblance dramaturgique. À l’orée du Siècle des Lumières, la voix du chanteur italien semble progressivement se détacher du carcan poétique, d’autant plus légitimement que les airs sont dépourvus de toute composante dramatique et a fortiori narratives ; l’ambitus vocal s’élargit et le chanteur est de plus en plus sollicité dans le registre aigu, voire suraigu, comme le montre emblématiquement, en 1667, l’échec de l’Eliogabalo de Cavalli[53], dans lequel le compositeur rendait un vibrant hommage à son maître Monteverdi et à la première « manière » vénitienne, ouvrage remplacé in extremis par la version plus « moderne » de Boretti, riche en arias virtuoses. Le même phénomène se reproduira en 1673 avec le dernier ouvrage de Cavalli, Il Massenzio, lui aussi retiré au dernier moment de la programmation du théâtre San Salvatore, parce qu’il « était pauvre en brillantes ariettes »[54]. L’opéra de Cavalli, jamais représenté, fut remplacé par l’opéra homonyme de Sartorio plus conforme au goût du temps, tout comme la même année, Ivanovich avait adapté l’Ipermestra de Moniglia et Cavalli (Florence, 1658), sous le titre La Costanza trionfante, davantage, nous dit Salvadori, « orné de plus fréquentes ariettes » et « des récitatifs plus brefs »[55].

À la toute fin du siècle, le dramaturge et imprésario napolitain Andrea Perrucci, publia un traité fondamental de dramaturgie théâtrale, Dell’arte rappresentativa, premeditata ed all’improviso[56], qui, comme son titre l’indique, est consacré aux deux principales formes de théâtre en vogue au XVIIe siècle : le théâtre érudit et l’improvisation du comédien dell’Arte. Dans la première partie, l’auteur passe en revue les principaux genres, y compris l’opéra dont il fait un rapide historique[57], avant de reprendre les caractéristiques rhétoriques de l’acteur qui le rapprochent de l’orateur. Après avoir évoqué la mémoire et la prononciation, Perrucci en vient à traiter « De la voix, comment elle doit être régulée et variée dans la représentation théâtrale »[58]. S’il poursuit le parallèle avec l’orateur, l’importance que la voix revêt pour le comédien semble plus grande encore, et les prescriptions qu’il couche sur le papier insiste une fois de plus sur les qualités de mesure, de modération, de clarté, d’autant plus nécessaires qu’elles sont en partie mises à mal par l’évolution négative du chant qui sacrifie à l’intelligibilité de la déclamation le plaisir seul de la vocalità, car « aujourd’hui, si une aria ne fait pas suite à deux vers de récitatif, il semble qu’ils [les opéras] ne procurent guère de plaisir »[59]. Le rapport de force s’est inversé, le poète a perdu la place d’excellence qu’il occupait dans l’organisation pyramidale des différentes activités attachées au nouveau système de production opératique, ne jouant plus désormais qu’un « rôle secondaire »[60]. Si Perrucci souligne la riche diversification des arias, vérifiable également dans leur schéma métrique, le point le plus remarquable de l’évolution du genre semble bien la complète assimilation de l’intrigue, jadis dévolue au récitatif, aux formes closes de plus en plus nombreuses. L’expression « ridurre gl’intrecci in canzone »[61], [réduire l’intrigue aux arias], évoque une forme de révolution « copernicienne » dans le rapport souvent conflictuel entre la parole poétique et son habillage musical, qui aboutit à privilégier la seule dimension pathétique du chant – afin que les arias « lusinghino l’udito con l’armonia »[62], [flattent l’ouïe par l’harmonie]. Mais Perrucci fait le constat de ce bouleversement plus qu’il ne le condamne. Malgré le renversement hiérarchique poésie/musique, le comédien et le chanteur usent des mêmes règles héritées des pratiques oratoires : « Ainsi les règles seront communes aux musiciens qui chantent et jouent et aux comédiens qui déclament concernant la mémoire, la gestuelle et l’action »[63].

Devant une professionnalisation toujours plus affirmée du chanteur au cours du XVIIe siècle, qui débouche sur une autonomisation assumée de l’activité, la voix lyrique, à l’origine étroitement liée aux pratiques théâtrales du comédien et rhétoriques de l’orateur, décrit dans son évolution le passage d’un contexte privé à un contexte public dans lequel le chanteur devient, à partir du XVIIIe siècle, l’objet d’une délectation pathétique éloignée des prescriptions rhétoriques qui assuraient un juste équilibre entre l’utile et le dulci horacien. Cette dérive, on le sait, suscita la réforme arcadienne de l’opéra et un retour à la dignité poétique, en particulier grâce aux drames métastasiens. Mais l’histoire complexe des rapports entre poésie et musique, surtout à l’opéra et même au-delà[64], est une histoire que l’on peut qualifier de cyclique : d’une réforme l’autre, (l’Arcadia, Gluck, Wagner, jusqu’au Sprechgesang), elle semble toujours revenir aux fondamentaux qui virent la création du chant monodique : la parfaite adéquation de la musique et de la parole, qu’incarnaient, dans un égal mouvement de souffle et d’énergie, les effets éloquents de la voix.



[1] « Car ces très savants gentilshommes [ceux de la Camerata Bardi] m’ont toujours encouragé, et convaincu par des raisons très claires, de ne pas priser cette sorte de musique qui, en ne laissant pas bien comprendre les paroles, gâte l’idée et le vers, en allongeant ici et en raccourcissant là les syllabes pour s’adapter au contrepoint, lacération de la Poésie, mais de m’en tenir à la manière si louée par Platon et d’autres philosophes, qui affirment que la musique n’est pas autre chose que le texte, le rythme et enfin le son, et non le contraire. [] Ils me dirent qu’ils n’avaient jamais entendu jusqu’ici autant d’harmonie émanant d’une seule voix seule accompagnée d’un simple instrument à cordes, qui possédât autant de force pour remuer les passions de l’âme », G. Caccini, Le nuove musiche, éd. J.-P. Navarre, Paris, Le Cerf, 1997, p. 49-51.
[2] « la perfettione della Musica consiste nel bello e gratioso cantare ; e nel fare intendere tutti i sentimenti del poeta, senza che le parole si perdano [] non essendo il fine della Musica il Diletto, ma la commotione degli Affetti », G.B. Doni, Discorso sopra la perfettione delle Melodie, in Id., Compendio del Trattato de’ Generi e de’ Modi della Musica, Roma, Andrea Fei, 1635, p. 103.
[3] Sur la voix au XVIIe siècle, dans le domaine poétique, théâtral et musical, nous renvoyons à deux ouvrages : La voix au XVIIe siècle, « Littérature classique », numéro 12, Paris, Aux amateurs de livres, 1990, et À haute voix. Diction et prononciation aux XVIe et XVIIe siècles, sous la direction d’Olivia Rosenthal, Paris, Klincksieck, 1998. Plus spécifiquement sur le chanteur d’opéra italien, cf. S. Durante, « Le chanteur », in Histoire de l’opéra italien, T. 4, « Le système de production et ses implications professionnelles », Liège, Mardaga, 1992, p. 367-441 ; J. Rosselli, Il cantante d’opera. Storia di una professione (1600-1990), Bologna, Il Mulino, 1993.
[4] L’ouvrage fut publié seulement en 1983 : cf. Il Corago, ovvero alcune osservazioni per metter bene in scena le composizioni drammatiche, a cura di Paolo Fabbri e Angelo Pompilio, Firenze, Olschki, 1983.
[5] L’hypothèse est argumentée de façon convaincante par Fabbri et Pompilio dans l’introduction à leur édition (ibid., p. 9).
[6] « Ora non è dubbio che meglio una persona sola cantando fa intendere le parole alli ascoltanti, che non fanno molti insieme, imperoché se bene si componghi la musica a più voci di modo che tutti i cantori pronunziano insieme tutte le medesime sillabe (cosa che a lungo andare rende l’armonia priva di grazia portando languore e noia), nulladimeno la pronunzia stessa della medesima sillaba ha diversità individuale appresso diverse personé, imperoché questa vocale a da uno sarà proferita più largamente onde si avicina al o, da un altro può venir pronunziata più stretta onde si accosta al u, sì che dalla diversità di questa medesima vocale proferita insieme da cinque o sei persone ne nasce una tal confusione che non si pénétra se si pronunzi l’a o vero l’o o pure l’u, onde tanto meno poi si possono intendere le parole intiere », ibid., p. 43.
[7] Ce point avait déjà été soulevé par Leone de’ Sommi en 1575 : « Je leur [aux acteurs] interdit, ensuite, comme un vice abominable, d’accélérer [leur débit] ; au contraire, si je peux, je les oblige à réciter très lentement, et je dis bien très lentement, en les faisant articuler sans hâte toutes les paroles jusqu’aux dernières syllabes [] Et je veux que vous sachiez que, bien que souvent celui qui récite ait l’impression de parler lentement, ce n’est jamais si lent qu’à l’auditeur cela ne semble très rapide, pourvu que la récitation ne soit pas hachée, mais soutenue, de façon à ne pas être affectée et ennuyeuse », [Come vizio pestilente, poi, li proibisco lo affrettarsi, anzi li costringo, potendo, a recitar molto adagio, et dico molto, facendoli esprimere con tardità ben tutte le parole fin all’ultime sillabe [] Et voglio che sappiate che, quantunque spesso paia a chi recita in scena di dire adagio, non è mai tanto tardo che a l’uditore non paia velocissimo, pur che ‘l dir non dia spezzato, ma sostenuto, in modo che non induca afettazione et noia], L. De’ Sommi, Quattro dialoghi in materia di rappresentazione sceniche, éd. F. Marotti, Milano, Il Polifilo, 1968, p. 40-41.
[8] Cf. A. Maugars : « Outre ce, ils sont presque tous Comédiens naturellement ; et c’est pour cette raison qu’ils réussissent si parfaitement bien dans leurs Comédies Musicales », A. Maugars, Response faite à un curieux sur le sentiment de la Musique d’Italie, escrite à Rome le premier octobre 1639 (s.l.n.d.), Présentation, notes et traductions par J. Heuillon, Paris, GKC, 1992, p. 24.
[9] « Surtout, pour être bon récitant en chantant, il faut être aussi bon récitant en parlant, car nous avons vu que ceux qui avaient démontré une grâce particulière en déclamant ont fait des merveilles lorsqu’il ont su chanter », [Sopra tutto per esser buon recitante cantando bisognerebbe esser anche buono recitante parlando, onde aviamo veduto che alcuni che hanno avuto particolar grazia in recitare hanno fatto meraviglie quando insieme hanno saputo cantare], ibid., p. 91.
[10] « Cette seconde manière d’accompagner par la musique la poésie… », [Questo secondo modo d’accompagnare con musica la poesia…], ibid., p. 60.
[11] N. Pirrotta, Li due Orfei, Torino, Einaudi, 1975 ; A.L. Bellina, L’ingegnosa congiunzione. Melos e immagine nella « favola » per musica, Firenze, Olschki, 1984 ; « Lo stupor dell’invenzione ». Firenze e la nascita dell’opera, Atti del Convegno Internazionale di Studi, Firenze, 5-6 ottobre 2000, a cura di Piero Gargiulo, Firenze, Olschki, 2001.
[12] Cf. F. Decroisette, « ‘Lo stupore’ et ‘la meraviglia’ : étude de réception », in La naissance de l’Opéra. Euridice 1600-2000, sous la dir. de F. Decroisette, F. Graziani et J. Heuillon, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 337-368.
[13] « Étant donné qu’il s’agissait de poésie dramatique, et qu’il fallait par conséquent imiter par le chant qui parle (et sans aucun doute on n’a jamais parlé en chantant), j’estimai que les anciens Grecs et Romains (qui, selon une opinion fréquente, chantaient entièrement sur scène les tragédies), employaient une mélodie qui, dépassant celle du parler ordinaire, et restant en deçà du chant prenait une forme intermédiaire », [Onde veduto, che si trattava di poesia Dramatica, e che però si doveva imitar col canto chi parla (e senza dubbio non si parlò mai cantando) stimai che gli antichi Greci e Romani (i quali secondo l’openione di molti cantavano su le Scene le Tragedie intere) usassero un’armonia, che avanzando quella del parlare ordinario, scendesse tanto dalla melodia del cantare, che pigliasse forma di cosa mezzana], J. Peri, Musiche sopra l’Euridice, Firenze, Giorgio Marescotti, 1600, « A’ Lettori », s.p.
[14] « Il piacere e lo stupore che partorì negli animi degli uditori questo nuovo spettacolo non si può esprimere : basta solo che per molte volte ch’ella s’è recitata, ha generato la stessa ammirazione e lo stesso diletto », M. da Gagliano, La Dafne [] Rappresentata in Mantova, Firenze, Cristofano Marescotti, 1608, s.p. Le livret, dans la version primitive de 1598, a été édité in Libretti d’opera italiani dal Seicento al Novecento, a cura di Giovanna Gronda e Paolo Fabbri, Milano, Mondadori, « I Meridiani », 1997, p. 3-20.
[15] Cf. les propos de Rinuccini qui font écho à ceux de Peri précédemment cités : « Selon une opinion très répandue, ô reine très Chrétienne, les anciens Grecs et Romains chantaient entièrement sur scène leurs tragédies, mais une si noble manière de chanter ne fut non seulement renouvelée, mais non plus que je sache jusqu’à présent adoptée par personne, ce que je croyais être un défaut de la musique moderne, de très loin inférieure à la musique ancienne. Mais une telle pensée me fut totalement ôtée de l’esprit par M. Jacopo Peri… », [E stata openione di molti, Christianissima Regina, che gl’antichi Greci e Romani cantassero su le scene le Tragedie intere, ma sì nobil maniera di recitare non che rinnovata, ma ne pur, ch’io sappia fin qui era stata tentata da alcuno, e ciò mi credev’io per difetto della musica moderna di gran lunga all’antica inferiore, ma pensiero sì fatto mi tolse interamente dell’animo M. Jacopo Peri…], O. Rinuccini, L’Euridice [], In Fiorenza, Nella stamperia di Cosimo Giunti, 1600, « Alla Christianissima Maria Medici regina di Francia e di Navarra », s.p.
[16] « cette musique récitative n’étant rien d’autre qu’une imitation modulée de la déclamation ordinaire… », [non essendo altro questa Musica recitativa che una imitazione modulata del commun recitare], Il Corago, op. cit., p. 82.
[17] « I suggetti che si recitano sono ordinariamente o in versi o in prosa ; quelli in versi deve pogerli talmente che paino ridotti in prosa », ibid., p. 97.
[18] J.-J. Bouchard, « Le carnaval à Rome en 1632 », in Id., Journal, I, éd. Emanuele Kanceff, Torino, G. Giappichelli, 1976, p. 152. Le manuscrit du Journal sur lequel se fonde cette édition, est conservé à la bibliothèque des Beaux-Arts de Paris.
[19] L’expression est présente chez Ivanovich, le premier historien de la vie théâtrale et musicale vénitienne : « in Venezia è [il teatro di musica] fatto negozio », C. Ivanovich, Memorie teatrali di Venezia, in Minerva al tavolino, Venezia, Pezzana, 1681, p. 378.
[20] Après l’Andromeda de Ferrari et Manelli qui inaugura le théâtre San Cassiano en 1637, le théâtre Novissimo, première salle expressément construite pour des représentations d’opéra, sous l’égide de l’académie des Incogniti, se distingua par la production d’un certain nombre de drames mythologiques : La finta pazza (1641), Il Bellerofonte (1642), L’Alcate (1642), La Venere gelosa (1643), La Deidamia (1644) et L’Ercole in Lidia (1645).
[21] Sur cette académie, cf. M. Miato, L’accademia degli Incogniti di Giovan Francesco Loredano (1630-1661), Firenze, Olschki, 1998 ; J.-F. Lattarico, Venise Incognita. Essai sur l’académie libertine au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2012.
[22] Cet interdit est lié à la nature même de la déclamation chantée (« ragionare armonico »), considérée comme « plus élevée, plus majestueuse, plus douce et plus noble que le parler ordinaire », (Il Corago, cit., p. 63), elle ne saurait prendre en compte que les personnages sublimes et divins, ce qui exclut « les personnes proches de notre temps », dont font partie traditionnellement les personnages comiques.
[23] Cf. I. Cavallini, « L’armonia come utopia e le dissonanze del reale : la musica nel dibattito di alcune accademie venete del Seicento », in Musica, scienza e idee nella Serenissima durante il Seicento, Atti del Convegno internazionale di studi, Venezia – Palazzo Giustinian Lolin, 13-15 dicembre 1993, a cura di Francesco Passadore e Franco Rossi, Venezia, Edizioni Fondazione Levi, 1996, p. 107-117.
[24] S. Guazzo, La civil conversatione [] divisa in quattro libri, Venezia, Salicato, 1579.
[25] Cf. G. Benzoni, « La simbologia musicale nelle imprese accademiche », « Studi veneziani », n.s., XXII, 1991, p. 117-136, article dans lequel l’auteur étudie, entre autres, la portée musicale de la devise des Incogniti.
[26] « Se sia più potente ad innamorare o bel volto piangente o bel volto cantante », in G.F. Loredano, Bizzarrie academiche, Parte prima, Venezia, Ad istanza dell’Academia, 1648, p. 206-230.
[27] « composto di voci, e di spirito, e quasi un’anima dell’anima stessa », « rapisce i cuori, tiranneggia l’anime, e fa vedere gli huomini, quasi in estasi amorosa, imparadisati, per così dire di gioia », ibid., p. 219.
[28] C’est précisément la critique d’une musique scénique devenue objet de négoce, « instrument d’un commerce indigne », qui est à l’origine de la satire de Loredano contre Anna Renzi, coupable d’avoir un contact direct avec l’argent et, pour cette raison même, exclue du Parnasse, (G.F. Loredano, « Anna Renzi chiede luogo in Parnaso, e non viene ricevuta », in Bizzarrie academiche, Parte seconda, Venezia, Valvasense, 1647, p. 217-220). C’est Apollon qui déplore que « la musique, qui est un attribut divin, soit devenue l’instrument d’un commerce indigne » [la Musica, ch’è un attrovato divino, divenuta stromento d’una poco honorata mercantia], ibid., p. 219.
[29] Sur Barbara Strozzi, cf. E. Rosand, « Barbara Strozzi, « virtuosissima cantatrice » : The Composer’s Voice », « Journal of American Musicological Society », XXI, 1978, p. 241-281.
[30] La dimension élitiste du chant est ici parfaitement vérifiée par le fait que Barbara Strozzi ne se produisit jamais sur scène, réservant ses charmes vocaux à un public restreint, le cas extrême étant constitué par le célèbre « concerto delle Dame », réunissant trois fameuses cantatrices qui ne se produisirent qu’en privé pour le seul plaisir du duc de Ferrare.
[31] Accademia degli Unisoni, Veglie de’ Signori Academici Unisoni havute in Casa del Signor Giulio Strozzi, Venezia, Sarzina, 1638. On relèvera que l’éditeur de ces discours est aussi l’éditeur des Incogniti.
[32] Cf. Musica Rhetoricans, sous la direction de F. Malhomme, coll. Musique/Écritures, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 2002. Maugars rappelle également, au détour d’une phrase, le lien étroit qui unit la rhétorique et la musique : « … la Musique ayant ses figures aussi bien que la Rhétorique, qui ne tendent toutes qu’à charmer et tromper insensiblement l’Auditeur », A. Maugars, Response faite à un Curieux…, op. cit., p. 12.
[33] Sur cette chanteuse d’origine romaine qui triompha surtout à Venise, cf. C. Sartori, « La prima diva della lirica italiana : Anna Renzi », « Nuova Rivista musicale italiana », II, 1968, p. 430-452.
[34] Ainsi, on signalera l’éloge d’Adriana Basile dans Teatro delle glorie della Basile, Venezia, Evangelista Deuchino, 1623, ou bien de sa propre fille Leonora Baroni dans Applausi poetici alle glorie della signora Leonora Baroni, Bracciano, Francesco Ronconi, 1639.
[35] « Non proferiva sillaba, che l’Orecchie non invaghisse, non formava pianto, che non havesse compagni nelle lagrime », Le glorie della Signora Anna Renzi Romana, Venezia, Surian, 1644, p. 6.
[36] « Ha una lingua sciolta, una pronuntia suave, non affettata, non presta, una voce piena, sonora, non aspra, non roca, ne che ti offenda con la soverchia sottigliezza », ibid., p. 9.
[37] « Mais j’ai déjà souvent réfléchi sur l’origine de cette grâce, et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu’il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l’on fait ou que l’on dit, c’est qu’il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et, pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine désinvolture, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser », B. Castiglione, Le livre du courtisan, présenté et traduit de l’italien d’après la version de Gabriel Chappuis (1580) par Alain Pons, Paris, GF-Flammarion, 1991, I, 26, p. 54.
[38] « La nostra Signora Anna è dotata d’una espressione sì viva, che paiono le risposte, e i discorsi non appresi dalla memoria, ma nati all’hora », ibid., p. 8.
[39] « grande intelletto, molta imaginativa, e bella memoria, come se non fussero queste tre cose contrarie, e non havessero nell’istesso sogetto alcuna naturale oppositione », ibid., p. 10.
[40] C’est le cas par exemple de la description – quasi contemporaine de celle d’Anna Renzi – de la voix du castrat Loreto Vittori, également compositeur et poète, dont l’accent est mis tout aussi bien sur ses dons de virtuose que sur sa parfaite maîtrise de l’élocution : « Il a une voix gracieuse et splendide, capable d’exécuter n’importe quelle variation, n’importe quel changement, et d’une souplesse telle qu’elle répond facilement à toute sollicitation ; elle est tour à tour aiguë, grave, rapide, lente, forte, légère… Ce véritable artiste, s’il doit représenter la voix et les paroles d’un homme bouleversé par la colère, se choisit une voix aiguë, excitée, souvent précipitée ; s’il doit montrer de la compassion et de la tristesse, une voix flexible, brisée, plaintive ; s’il doit exprimer la crainte, il utilise une voix soumise, hésitante, humiliée… Et comme il se fait admirer par la clarté de la voix et l’articulation limpide des paroles ! », J.N. Erythraeus (G.V. Rossi), Pinacotheca altera, Colonia [Amsterdam], Kalcovius, 1645, p. 215-221, cité par S. Durante, « Le chanteur », in Histoire de l’opéra italien, T. 4, op. cit., p. 381.
[41] A. Maugars, Response faite à un curieux sur le sentiment de la Musique d’Italie, op. cit., p. 26.
[42] En particulier dans les importants paratextes de l’Ulisse errante de Giacomo Badoar, des Nozze d’Enea con Lavinia de Torcigliani, ou de la Venere gelosa ; cf. à ce sujet A. Chiarelli-A. Pompilio, « Or vaghi or fieri ». Cenni di poetica nei libretti veneziani (circa 1640-1740), Bologna, CLUEB, 2004.
[43] A. Maugars, Response faite à un curieux sur le sentiment de la Musique d’Italie, escrite à Rome le premier octobre 1639, cit.
[44] Abbé Raguenet, Parallèle des Italiens et des Français en ce qui regarde la musique et les opéra, Paris, 1702.
[45] J.-L. Lecerf de la Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la musique française, où, en examinant en détail les avantages des spectacles et le mérite des deux nations, on montre quelles sont les vraies beautés de la musique, Bruxelles, Chez François Foppens, 1704.
[46] A. Toussaint de Limojon, La Ville et la République de Venise, Paris, Chez Louis Billaine, 1680, p. 419.
[47] Qui n’eurent guère de fortune en France et se produisirent la plupart du temps dans un contexte privé. Sur la présence des castrats en France après l’échec de l’Orfeo, cf. P. Barbier, La maison des Italiens. Les castrats à Versailles, Paris, Grasset, 1999.
[48] M. Misson, Nouveau Voyage d’Italie, La Haye, H. Van Bulderen, 1698, t. 1, p. 237-238.
[49] C’est le cas en France de La Fontaine ou de Saint-Evremond qui railla dans sa pièce Les Opera, le caractère invraisemblable d’un texte dramatique intégralement chanté. En Italie, la condamnation est moins radicale, mais elle critique tout de même de manière virulente la musique moderne responsable de la corruption de la poésie dramatique. L’influence de la tragédie française est perceptible dans les écrits d’un Muratori, d’un Gravina, qui condamne lui la corruption de la poésie responsable de la décadence musicale, ou d’un Martello qui adopte une position de compromis.
[50] G.G. Salvadori, La poetica toscana all’uso, Napoli, Gramignani, 1691. Sur ce traité cf. P. Fabbri, « Riflessioni teoriche sul teatro per musica nel Seicento : « La poetica toscana all’uso » di Giuseppe Gaetano Salvadori », in Opera & libretto I, Firenze, Olschki, 1990, p. 1-31.
[51] Dans les premières pages du traité, Salvadori reprend même le célèbre postulat présent au début du chant VII de l’Adone de Marino (« La musica e la poesia sono due sorelle ») : « Car il est vrai que la musique et la poésie sont deux sœurs », [Essendo vero che la musica e la poesia sono due sorelle], G.G. Salvadori, La poetica toscana all’uso, op. cit., p. 4.
[52] « I recitativi s’aborriscano quanto la peste, e si ponga il solo necessario, che il popolo non gli ama », [On doit fuir les récitatifs comme la peste, et n’employer que le strict nécessaire car le peuple ne les aime pas], ibid., cité par P. Fabbri, « Riflessioni teoriche… », cit., p. 25.
[53] Sur le contexte idéologique et esthétique qui a abouti au retrait de cet opéra, dont les répétitions étaient bien engagées, cf. M. Calcagno, « Fonti, ricezione e ruolo della committenza nell’Eliogabalo musicato da F. Cavalli, G.A. Boretti e T. Orgiani (1667-1687) », in Francesco Cavalli. La circolazione dell’opera veneziana nel Seicento, a cura di D. Fabris, Napoli, Turchini Edizioni, 2005, p. 77-99.
[54] « mancante di briose ariette », comme on peut lire dans une lettre de Pietro Dolfin adressée au Duc de Brunswick le 23 décembre 1672, citée par E. Rosand, Opera in Seventeenth-Century Venice : The Creation of a Genre, Berkeley, University of a California Press, 1991, p. 441-442.
[55] « Adorno di frequenti ariette » ; « più breve recitativo » ; cité par P. Fabbri, « Riflessioni teoriche… », cit., p. 7.
[56] Publié à Naples en 1699, cf. l’édition moderne : A. Perrucci, A treatise on Acting from Memory and by Improvisation (1699). Dell’Arte rappresentativa, premeditata ed all’improviso, Bilingual Edition in English and Italian, Translated and Edited by Francesco Cotticelli, Anne Goodrich Heck, and Thomas F. Heck, Lanham Maryland, Toronto, Plymouth, UK, The Scarecrow Press, Inc., 2008.
[57] Reprenant également l’idée d’un retour aux sources antiques quant à la présence – intégrale – de la musique sur la scène théâtrale, avec de nouveau une insistance sur la dimension secondaire des formes closes dans les premiers opéras : « Après avoir introduit de nouveau les drames entièrement mis en musique, sans doute à l’imitation des Anciens, et de nouveau acceptés avec plaisir par le peuple, ils apparurent  tout d’abord pauvres en arias et riches en récitatifs, comme le Giasone ou la Dori, ou d’autres plus anciens depuis 1637 » [Or introdotti di nuovo i drami tutti in musica, forse a similitudine degi antichi, e di novo accettati dalla compiacenza de’ popoli, uscirono prima scarsi d’arie, e ricchi di recitativo, come fu il Giasone, la Dori, oltre i più antichi dal 1637], ibid., p.30.
[58] « Della voce, come si deggia regolare, e variare nel Rappresentare », ibid., I, 10, p. 52-56.
[59] « ma oggi se ad ogni due versi di recitativo non si scarica un’aria, par che diletto non diano », ibid.
[60] « havendone la minor parte il poeta », ibid., p. 31.
[61] Ibid.
[62] Ibid.
[63] « Le regole dunque a i musici, che cantano, e rappresentano, saranno comuni nella memoria, gestire, et azioni con i recitanti, che parlano », ibid.
[64] cf. Les relations musique-théâtre : du désir au modèle, Actes du colloque international – IRPALL, (25-27 octobre 2007, Toulouse II-Le Mirail), textes rassemblés et présentés par Muriel Plana et Frédéric Sounac, Paris, L’Harmattan, 2010.