HORTUS
A propos du spectacle

GENESE

C’est à cause des onagres que tout a commencé. Des fleurs jaunes très communes, qui poussent un peu comme les roses trémières mais qui ont toujours l’air fané, parce qu’elles ne fleurissent qu’au crépuscule, en un mouvement de spirale visible à l’œil nu qui fait se déployer d’un seul coup en éventail leurs quatre pétales ronds, phosphorescents. Toute la mystérieuse énergie du végétal s’offre ainsi en un temps record, dans sa beauté gratuite répondant à d’impérieuses nécessités de survie. Car c’est pour attirer les insectes nocturnes que ces « belles-de-nuit » s’ouvrent aussi vite : elles n’ont qu’une seule nuit pour être butinées, c’est-à-dire pour favoriser leur reproduction, avant de s’étioler. Mais quel spectacle en attendant… C’est de là qu’est née l’envie d’en faire un, de spectacle, à partir de menus miracles comme l’ouverture des onagres.

STRUCTURE

Ouverture
Ombra mai fu di vegetabile cara ed amabile soave piu (Jamais l’ombre
 d’aucun végétal ne fut plus précieuse,
 plus agréable et plus douce)

I. StropheDe re plantarum (A propos des plantes)
Les onagres
Quand viendra la saison nouvelle
Expérience horticole
Les plantes remarquables
La danse du jardinier (I)
A table

2. Antistrophe – Contra vim mortis non est medicamen in hortis (Contre la puissance de la mort il n’est pas de remède dans les jardins)
Et puis vint la neige
Coup de vent
Ode à la plante
Thé au jardin
Adam et Ève
Paradis perdu

3. EpodeSed natura semper vivens (Mais la nature ne meurt jamais)
La danse du jardinier (II)
L’ikebana
Isadora

SOURCE D'INSPIRATION

Si l’idée d’un projet comme Hortus a pu germer, c’est aussi au botaniste Francis Hallé qu’on le doit. Son Éloge de la plante (Seuil, 1999) nous a menés au cœur même de ce monde végétal, et de son altérité.

« Banales et mystérieuses, omniprésentes et impénétrables. Les plantes sont là, vertes, silencieuses, compagnes étranges avec lesquelles le dialogue est rare, tellement elles ont élevé leur laconisme en principe. Elles semblent immobiles mais c’est parce qu’elles vivent dans un temps différent du nôtre. Elles représentent pour nous l’altérité absolue, et ce qui attire vers elle certains d’entre nous, c’est un mélange de sentiments dont la complexité apparaît d’emblée. [...]

Les plus grands êtres vivants, et ceux qui vivent le plus longtemps, ce sont les plantes ; ces dernières sont aussi à l’origine de la plupart des chaînes alimentaires, elles structurent nos paysages, abritent les animaux, participent à la formation des sols et au contrôle local des climats, rafraîchissent l’air et sont capables, dans une certaine mesure, de le nettoyer de ses polluants. Grâce à la photosynthèse, la plante fournit à l’animal son énergie, sa nourriture et l’air qu’il respire. Son succès biologique n’apparaît nulle part mieux que dans le domaine alimentaire : la plante ne dépend pas de l’animal, alors que ce dernier dépend d’elle pour sa survie quotidienne. L’homme, lui aussi, dépend totalement des plantes pour son alimentation : qu’il soit végétarien ou non, peu importe ; sans les plantes, je crois qu’il devrait se nourrir d’eau et de sel ! Toutefois, dans sa relation à l’animal, la plante ne se contente pas de jouer le rôle passif d’une ressource nutritive sans défense. Lorsqu’elle en a besoin, elle sait lui emprunter sa mobilité, son rythme temporel accéléré, ses formes globuleuses, ses odeurs discutables ; en manipulatrice avertie, elle sait utiliser les points faibles de son partenaire, l’amener à collaborer et atteindre ainsi ses fins. À ma connaissance, cette description des faits ne contient pas de contre-vérité ; et pourtant, elle n’est pas réaliste, car notre langage même n’est pas adapté à la plante, elle ne sait pas, elle n’utilise rien, elle n’a ni besoins, ni projets, ni buts. Nous parlons un langage d’animaux qui se prête mal à la relation d’une vérité végétale ; au moins notre langage peut-il nous permettre de faire l’éloge de leurs qualités esthétiques : les plantes sont belles, et elles sentent bon, mortes ou vivantes. Nous leur devons une part de notre équilibre mental, comme on peut en juger par leur nécessaire présence dans les villes. Une très grande partie de la beauté du monde leur est due. À mon avis, c’est plus que de la simple beauté. »